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Vous connaissez certainement la méthode des 5 Whys, popularisée par Toyota et l’excellence opérationnelle ? L’idée est de se forcer à dépasser les symptômes pour investiguer jusqu’à la source d’un problème. Prenons un exemple connu dans le contexte d’une chaine de production : on produit moins. Pourquoi ? Parce que la machine est cassée. Pourquoi ? Parce que les pièces sont usées. Pourquoi ? Parce qu’on a une fuite d’huile. Pourquoi ? Parce que l’huile utilisée est trop liquide. Vous comprenez le principe : on part d’un problème constaté (symptôme) et on remonte grâce à des « pourquoi ? » jusqu’à la source de ce problème (root cause ou cause racine.)
La méthode des 5 « pourquoi » cherche à remonter dans la chaine de cause à effet, et part d’un constat au moment présent pour identifier l’enchainement logique d’événements qui ont conduit à cette situation. Par rapport à un moment t, on s’intéresse plutôt au passé, et on remonte une suite de circonstances aussi loin que possible.
Mais identifier la ou les causes racines d’un problème ne suffit pas toujours. Dans certains cas, agir sur les raisons qui ont conduit à l’apparition d’un problème permet de résoudre ce problème. Dans d’autres cas par contre, agir sur les causes permettra de prévenir, ou de contenir, les problèmes futurs, mais pas de résoudre les problèmes constatés dans le présent.
Par exemple, si le problème constaté à un moment t est la casse d’une machine, identifier que le problème a été causé à l’origine par le remplacement erroné d’une pièce d’usure permettra d’éviter ce type de casse dans le futur, mais il reste qu’au moment t la machine est toujours cassée.
En fonction du type de problème, la solution pourrait être directe (supprimer la cause racine est possible et permet d’éliminer le problème de manière satisfaisante) ou indirecte (supprimer la cause racine aide à prévenir et contenir le problème, mais ne résoud pas le problème constaté.) Il faudra alors rechercher, à partir de la description détaillée du problème et des causes-racines identifiées, des solutions indirectes.
En partant de ce constat, pourquoi ne pas imaginer décliner le concept des 5 « pourquoi » aux 5 « comment » ? On mettrait ainsi en parallèle problème, avec une identification de ses causes, et solutions, avec projection d’un plan d’action.
Essayons d’explorer ces deux cas à partir d’un exemple concret et réel, tiré de mon expérience personnelle.
Suite au remplacement d’un outil informatique dans une entreprise, on constate une forte reluctance à utiliser le nouvel outil, qui va jusqu’au boycott pur et simple de l’outil par certaines équipes.
Le problème dans notre cas est le refus d’utiliser le nouvel outil. Pourquoi est-il rejeté ? Parce que l’utiliser multiplie le temps de traitement des tâches quotidiennes par 2 à 5. Pourquoi ? Parce que l’outil ne correspond pas à la menière de travailler des équipes. Pourquoi ? Parce que la séquence des actions à accomplir ne correspond pas à la réalité du terrain. Pourquoi ? Parce que l’outil a été conçu sans prendre en compte la réalité du terrain. Pourquoi ? Parce que le projet n’a pas inclus de phase de recherche UX (vous aurez certainement remarqué que j’en profite discrètement pour faire la promotion de l’UX.)
La cause racine est donc que le projet n’a pas inclus de phase de recherche UX. Bien. Mais à ce stade, il n’est plus possible d’inclure de recherche UX (puisque le projet est terminé) et mener une recherche UX maintenant n’aura qu’une influence limitée sur le produit en production. On est par conséquence en présence d’un cas où la suppression de la cause racine permettra de prévenir le problème pour le futur, mais ne permet pas de résoudre le boycott actuel. On doit donc s’attacher à trouver des solutions indirectes.
Imaginons un univers parallèle dans lequel notre problème n’existe pas : comment décrire la situation de manière à annuler tous les effets négatifs du problème constaté dans notre univers ? L’idée est de contrebalancer de manière précise et complète tous les constats liés au problème : on décrit l’anti-problème, soit l’exact opposé du problème qu’on cherche à résoudre.
Les constats liés au problème dépassent souvent le problème en lui-même : il est important quand on cherche à résoudre un problème de prendre en compte également les effets de bord et les conséquences qui en découlent.
Dans notre exemple, les constats liés à notre problème pourraient être les suivants :
Pour chaque évidence décrivant l’anti-problème, on pourra mettre en place des méthodes d’idéation et d’intelligence collective pour imaginer des solutions efficaces. Il est par exemple utile d’exprimer nos réflexions sous la forme « Comment pourrait-on » (How might we) pour chacune de ces évidences.
Par exemple, comment pourrait-on améliorer la confiance des utilisateurs envers le produit ?
Là où il devient particulièrement intéressant de décliner le principe des 5 niveaux de pourquoi aux 5 niveaux de comment est de passer de l’idée plus ou moins théorique à un plan d’action logique. Une fois ce premier niveau d’idées complété, on s’efforcera alors de développer chacune de ces idées en suivant le même principe du « Comment pourrait-on », dans l’idée de construire une chaine logique d’actions permettant d’arriver à la situation décrite dans l’anti-problème.
En suivant notre exemple plus haut, on pourrait imaginer qu’une idée pour améliorer la confiance des utilisateurs envers le produit serait de rendre visibles des changements importants apportés suite aux retours utilisateurs. Comment ? En publiant une nouvelle version visuellement et visiblement différente. Comment ? En affichant les mises à jour de manière visible, et en modifiant le look-and-feel de manière à suggérer une nouvelle version majeure. Comment ? En retravaillant la charte graphique et ajoutant un module de notifications. etc.
Vous l’aurez compris, on déroule les questions de type « Comment ? » jusqu’à arriver à une liste d’actions qui pourront servir de point de départ à la résolution de tous les aspects du problème identifié.
Pour vous remercier de m’avoir lue jusqu’ici, je suis heureuse de partager avec vous mon template Miro « Des 5 pourquoi aux 5 comment » qui illustre la réflexion menée dans cet article sous forme d’un processus guidé. Si vous avez un compte Miro, vous pourrez sans problème dupliquer ce canevas et l’adapter à vos besoins, par exemple pour animer un atelier de résolution de problème.
Dans le cadre de la résolution d’un problème, appliquer la méthode des 5 « Pourquoi » permet de remonter jusqu’aux causes-racines. Mais supprimer ces causes ne permet pas toujours de régler le problème. Dans ce cas, décliner les 5 « Pourquoi » aux 5 « Comment » à partir de l’expression d’un anti-problème permet de dérouler un plan d’action logique et efficace.